• L'Agent et le Docteur

    L'Agent et le Docteur

    J-1 avant la Chute d'Aleph

    La pièce était sombre, uniquement illuminée par deux néons jaunâtres au plafond, derniers survivants d’une grande famille qui s’éteignait plus le temps avançait. Les murs étaient recouverts d’étagères contenant divers livres et objets étranges. Les rares pans visibles étaient eux couverts de graffitis et de gravures sans queue ni tête. Il y avait deux chaises, une table, un lit proprement ordonné, qui contrastait avec l’apocalypse régnant sur la salle, ainsi qu’une armoire parfaitement rangée et un bureau surchargé sur lequel travaillait un homme en blouse qui avait du être un jour blanche.

    - Qu’est ce que tu fous ?
    Le garde qui venait de rentrer reconsidéra l’objet sur lequel le chercheur s’affairait.
    - Je rentre les paramètres pour un nouveau système d’enregistrement que le DI&ST vient de pondre. C’est dans mes autorisations, et non ça n’explose pas. Quelles sont les nouvelles depuis hier soir ?
    L’Agent soupira, comme soulagé, prit son casque et le déposa sur le bureau où travaillait le Docteur, et ramena la deuxième chaise pour s’assoir à côté du bureau.

    - Rien d’affolant. Deux chercheurs qui se chamaillaient pour avoir la priorité d’accès à cette machine de malheur dans la salle 113-B. Les résultats des dernières analyses sont arrivés et tout le personnel est clean. Tout va bien. Enfin presque…

    Il regarda avec insistance le chercheur qui avait levé un sourcil

    - … rien de grave, mais on a enregistré quelques mouvements inattendus ci et là de l’Insurrection.

    - Et tu es là pour me délivrer des infos de niveau 4 ou plus ?

    - Non, juste pour te prévenir que j’allais doubler les équipes de gardes dès demain. Donc tiens-toi à carreau, les équipes seront assez sur les nerfs sans que t’en rajoutes à faire exploser des trucs ici et là. J’ai comme un mauvais pressentiment à propos de ça.

    Le blousard ricana.

    - On est des gamins vivants sur un tas de dynamite et jouant avec des allumettes, ton pressentiment c’était à ton engagement que t’aurais dû l’avoir, si tu veux mon humble avis. C’est déjà une chance que ça nous ait pas pété à la gueule plus tôt, ça oui. De façon globale, je veux dire. Jusqu’ici on a juste mangé que quelques brèches localisées. Rien de trop gros. On a plutôt de la chance, quand on y réfléchit. Enfin pour le moment…

    L’engin que le chercheur tenait dans ses mains bippa. L’Agent recula par réflexe et mis ses mains devant son visage. Second ricanement.

    - Eh beh. Elle est belle la fine fleur de la sécurité. Et voilà. Ça devrait être bon d’ici demain midi. Ma demande de Classe-D pour l’expérience en est où ?
    - On n’est jamais trop prudent avec tes conneries. Ta demande a été accordée, mais si je retrouve encore des foies de Classe-D sur le marché noir, je te promets deux mois dans un trou si sombre que tu oublieras vite les notions de couleur et de lumière.

    - Bien. Tout est bon dans ce cas. Je pense qu’à moins que tu aies une autre nouvelle de taille, notre premier entretien bi-journalier s’achève. C’était un vrai déplaisir, comme toujours, cher enfoiré.

    - Mais le sentiment est réciproque, sale plaie au cul.

    Le soldat opina, reprit son casque et s’avança vers la sortie du bureau.

    Il s’arrêta sur le palier.

    - Je te sens hésitant. Ou plutôt différent.

    Le chercheur fit pivoter sa chaise nonchalamment pour se trouver face au soldat.
    - Hésitant ?

    - Au sujet des pressentiments. C’est assez discret. Mais assez rare pour être remarqué. D’habitude quand il s’agit de l’IC tu essayes de me soutirer des infos ici et là au lieu de partir sur du sarcasme.

    Le Docteur attendit quelques secondes avant de répondre.
    - J’ai le même sentiment qu’avant mon entrée à la Fondation. L’officielle je veux dire.

    - Explique.

    - J’ai le sentiment qu’un truc va pas tarder à me tomber sur la gueule et changer radicalement mon mode de vie actuel. Donc oui. Je comprends ton pressentiment. Tout est trop calme en ce moment. J’aime pas. Ça fait des mois depuis le dernier incident important, et je suis pas un fervent croyant de l’équilibre, surtout dans notre situation.

    - Et tu n’aurais pas quelque trucs à me dire à tout hasard ?

    - Pas le moindre. C’est plus une sensation. Promis, pour une fois j’ai rien à voir avec ces mouvements de l’Insurrection. Disons que c’est mon pessimisme latent qui ressurgit. Ça doit faire trop longtemps que je suis pas parti en mission.

    La légère pause marquée par le chercheur ne laissa aucun doute quant à ses intentions.

    - Bien tenté. Mais à moins de coucher avec un des O5, t’es pas prêt de retourner sur le terrain, pas après tes conneries de la dernière fois. Ni aujourd’hui, ni demain, ni le mois prochain, ni même dans quelques années. Fais toi discret et ça changera peut être.

    - Challenge accepted.

    - De ? Te faire discret ?

    - Non, de coucher avec un O5.

    - Je me disais aussi. Si t’es encore vivant d’ici demain, les cuisines viennent de recevoir un fût de Guinness que j’ai commandé, t’es convié à nous joindre à la cafétéria avec quelques membres du personnel.

    - Je compte bien survivre à demain. Et même aux jours qui suivront, désolé. Mais… en pleine alerte, se mettre une cuite ?

    - Non, pas forcément, disons plutôt, remonter le moral des troupes.

    - Tu devrais prendre le contrôle des RH, pas de la sécurité, tu sais ?

    - Pour finir derrière un bureau et devenir comme …
    L’Agent désigna le Docteur en ricanant avant de terminer sa phrase.

    - … comme ça ?

    Le blousard fit une mine dédaigneuse.

    - On en reparle si jamais tu arrives à avoir autant la patate à 100 ans.

    - Non attends tu déconnes ? T’es à 100 ? Pile poil ?

    - Eh bien oui. Je suis né en 1920, je croyais que ça figurait dans mon dossier.

    Le soldat s’approcha de la porte en lâchant un :

    - Ça y figurera à notre prochaine rencontre. Mais si tu peux claquer d’ici là, ne t’abstiens pas.

    - Promis. Dégage ton vieux cul poilu de mon bureau maintenant, elle est belle la sécurité du Site Aleph, jamais à son poste.

    - C’est collé à ton cul, mon poste, entre autres. À tout à l’heure.

    - À tout à l’heure. Et si tu peux, essaie de me récupérer l'exo-suit que Benji m'avait faite, j'ai pas encore pu la tester.

    - Tu peux toujours courir.

    Et Neremsa laissa Grym seul.

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :